L'audience contre-attaque
Ca y est, vous avez délivré votre message. Vous étiez bien préparé, avez fait une belle performance, votre idée est bonne et au lieu du tonnerre d'applaudissements attendus, vous avez droit à un ricanement et une déclaration péremptoire : "ça ne marchera jamais chez nous ça !"
Quel que soit la qualité de votre présentation, vous n'obtiendrez pas une adhésion à 100 % par un coup de baguette magique. Une fois votre intervention délivrée, ll faut se préparer à la suite : l'échange avec l'audience. Bonne nouvelle, généralement, les contre-argumentaires suivent tous la même logique et en s'y préparant, on améliore considérablement ses chances (et la qualité de son projet au passage). Que peut nous dire notre audience ?
Le problème n'existe pas : tout votre argumentaire s'effondre puisque la solution que vous venez apporter n'a rien à résoudre. Vous venez vendre des congélateurs à des esquimaux mon brave ...
La solution n'est pas la bonne : ok, il y a bien un problème, mais votre raisonnement ne tient pas et la solution ne règle pas le problème. Ca ne sert à rien tout ça mon ami !
La solution ne fonctionnera pas içi : oui, c'est une bonne idée mais ... chez les autres. Vous comprenez, chez nous, ça n'est pas pareil !
Voilà les 3 types d'attaques que vous pourrez subir. Mais à ce type d'attaque logique, peuvent s'ajouter des attaques un peu plus pernicieuses.
Le ridicule et l'attaque personnelle : "je m'attendais à une solution hors sujet, mais vous battez tout les records sur ce coup là"
La confusion : volontairement ou pas, en multipliant les questions un peu hors sujet, en reformulant mal, votre opposant brouille votre message. Un message perçu comme confus est considéré comme peu fiable, avec une logique incomplète.
La peur : votre solution est présentée sous un jour défavorable et ses conséquences négatives mises exagérement en avant.
Comment traiter tout ces points ? Je mentirai en disant que c'est simple : cela nécessite du travail, mais au fond, ça n'a rien de bien compliqué. Je ne traiterai que la 1ière partie, la 2ième fera l'objet d'un article séparé.
En introduisant votre argumentaire par une description de la situation, puis de la complication qui la rend difficile et qui justifie une recherche de solution, vous mettez tout le monde au même niveau de compréhension du problème qui existe (et accessoirement, vous répondez à la 1ière question que ce pose tout auditoire quand un discours commence : "mais qu'est ce que je fais là"). La situation et la complication de votre introduction doivent être centrés sur votre audience (voilà ce que vous vivez, et voilà un problème que vous subissez). Mais attendez vous à être challengés sur d'autres intervenants : "et qu'en pensent nos clients ? et le service comptabilité ? et les équipes, comment vont elles le vivre ?". Faites la liste des différentes parties concernées et assurez vous qu'à minimat, la solution que vous proposez ne leur crée pas un problème ou bien qu'elles vont bénéficier un peu de votre idée. Si quelqu'un vous explique que le moral des équipes n'est pas un problème pour les clients et que donc, la formidable idée que vous suggérez pour les motiver n'a aucun intérêt, vous devez y avoir pensé avant. Une bonne façon d'être bien préparé, est de s'interroger sur l'impact que votre solution a :
sur les clients
sur les équipes concernées
sur votre audience
sur l'environnement (si si)
sur la santé financière de l'entreprise
Sur le fait que la solution n'est pas la bonne, cette attaque viendra si par exemple, vous vous êtes employés à démontrer non pas sa justesse mais ... comment l'implémenter par exemple. Ne prenez pas pour acquis que votre audience a fait les mêmes recherches que vous et que ce qui est une évidence pour vous l'est pour les autres. Démontrez factuellement que votre solution règle le problème avant d'aborder par exemple son coût par rapport à une autre idée.
Dernier élément : la solution ne fonctionnera pas ici. La synchronisation est un élément important de toute communication : plus vous ressemblez à votre audience, plus on vous écoute, plus les exemples que vous utilisez "parlent" à votre audience, plus on vous croira. Si vous expliquez que les méthodes d'enseignement spartiates sont d'une efficacité redoutable et qu'il faut les appliquer à l'école, on vous fera remarquer (à juste titre) que nous ne sommes pas à l'époque antique, en Grèce, sous la menace d'une invasion athénienne ou perse ... Si en revanche vous expliquez que discipline et rigueur dans l'enseignement sont des valeurs qui fonctionnent comme par exemple dans l'école du quartier voisin, on a plus de chances de vous croire.
Lorsqu'on vous vend de la lessive, on vous montre d'abord des enfants qui jouent, habillés en blanc (quelle idée) : c'est la situation. Puis, les enfants repèrent une flaque de boue et se jettent dedans (voyous) ! c'est la complication, et elle est sérieuse, vos enfants ont des vêtements extrêmement tachés, il faut faire quelque chose. Là on vous présente la solution : "Chazam lessive !" et on vous démontre qu'elle est la solution pour vous : elle lave, elle est facile d'utilisation, elle n'est pas chère, elle est écologique.
Cette formule (situation, complication, résolution) est très efficace, et pas seulement pour vendre de la lessive. C'est exactement le même que celui utilisé par Churchill dans un de ses discours les plus célèbre.
We are in the preliminary stage of one of the greatest battles in history.... That we are in action at many points — in Norway and in Holland —, that we have to be prepared in the Mediterranean. That the air battle is continuous, and that many preparations have to be made here at home.
I would say to the House as I said to those who have joined this government: I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat. We have before us an ordeal of the most grievous kind. We have before us many, many long months of struggle and of suffering.
You ask, what is our aim? I can answer in one word: Victory. Victory at all costs — Victory in spite of all terror — Victory, however long and hard the road may be, for without victory there is no survival.
Nous sommes en guerre (situation), nous ne sommes pas en train de gagner (complication), nous allons nous battre (résolution).
Pour résumer :
listez les différentes parties concernées (clients, équipe, commissaire au compte, les voisins ...) et évaluez leur importance relative
analysez la gravité du problème que vous tentez de résoudre pour chacun de ces intervenants. Si le problème n'existe que pour vous ... en quoi est-ce un problème pour les autres et de quoi essayez vous de les convaincre. Votre audience a-t'elle conscience du problème, jusqu'à quel degré, et en quoi est-il important.
Qui y gagne et quoi ? Qui y perd et quoi ? Si tout le monde y gagne sauf vos clients qui voient juste les prix augmenter, quelqu'un vous le fera remarquer.
Avez vous démontré que votre solution règle le problème ou juste expliqué qu'elle n'était pas chère, facile à implémenter, ou coooool ?
Vos exemples parlent -ils à votre audience ? Avez vous expliqué à quel point Paris Hilton est dingue de ce nouveau modèle de 4x4 quand elle roule à Beverly Hills pour le vendre à un ancien militaire, ou bien lui avez vous démontré sa robustesse, sa sobriété et son efficacité (oui, c'est un peu cliché mais je vous assure que ça marchera plus que l'exemple de Paris Hilton)